C’est une Vierge à l’Enfant bien connue et référencée, conservée dans la même collection depuis 1975 et classée monument historique le 22 juillet 1976, qui s’apprête à passer sous le feu des enchères ce 29 novembre. Elle est aujourd'hui attribuée de façon unanime à l’un des sculpteurs français les plus influents de la deuxième moitié du XVe siècle et du début du XVIe siècle : Michel Colombe (vers 1430 – vers 1512). Les connaisseurs se souviendront l’avoir aperçue lors de l’exposition France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance au Grand Palais en 2011. Voici une œuvre qui ne doit trouver qu’une seule destination : un musée français.
Attribué à Michel Colombe (vers 1430-1512), Vierge à l'Enfant (détail.), vers 1500-1510. Terre cuite, H. 1,02 - l. 0,40 m. Paris, collection particulière.
©Auction Art Remy Le Fur / Drouot Paris
Reproduite en double page et accompagnée d’une notice de Geneviève Bresc-Bautier dans le catalogue de l’exposition France 1500, également citée par Paul Vitry en 1901, Pierre Pradel en 1953 et Jean-Marie Guillouët dans la catalogue de l'exposition Tours 1500. Capitale des arts en 2012, cette Vierge est datable des années 1500-1510, la dernière période de l’artiste tourangeau. Son contexte de création est reconstitué d’après sa provenance, la chapelle du château de La Carte à côté de Tours. Aujourd’hui très restauré, le château de La Carte fut bâti à partir de 1497 à la demande de Jacques de Beaune (vers 1455 – 1527), successivement trésorier d’Anne de Bretagne (1491), maire de Tours (1498), trésorier général des finances du Languedoc ou encore ordonnateur des finances de François 1er en 1516 avant de connaître une disgrâce brutale – sur fond d’accusations de malversations financières - ayant conduit à son exécution. Diverses commandes passées auprès d’artistes jalonnent sa carrière, comme les tapisseries tissées d’après les patrons d’Andrea Polastron en 1525 pour l’ancienne église Saint-Saturnin de Tours. En mécène actif, sa proximité avec le milieu artistique de la ville, au cœur duquel se trouve alors Michel Colombe, ne fait pas de doute, l’ayant sans doute conduit à commander cette œuvre au sculpteur.
Fait peu commun, cette Vierge à l’Enfant a été réalisée en terre cuite. Elle est issue d’un assemblage de plusieurs parties, modelées séparément et unifiées par un badigeon rouge. La résultante de cette méthode est une importante fragilité de l’œuvre, qui sera présentée dans sa caisse à Drouot. Les analyses menées à l’occasion de l’exposition de 2011 ont permis de mettre en évidence des traces de la polychromie originelle sur le bras gauche de la Vierge et sur sa chevelure.
Dépouillée, cette vision de la figure mariale tranche globalement avec les réalisations contemporaines. Michel Colombe livre ici une œuvre tout en émotion contenue. Le visage de la Vierge est caractéristique de la manière du maître, Geneviève Bresc-Bautier faisant le rapprochement avec la figure de la Prudence du tombeau de François II de Bretagne et Marguerite de Foix à Nantes. Le front largement découvert et cerné d’un bandeau, Marie dévoile son sein, le regard tourné vers l’Enfant. Son vêtement se développe en de larges plis traités de manière très fine et dévoile une ceinture nouée à la taille dans un travail non moins précis.
Attribué à Michel Colombe (vers 1430-1512), Vierge à l'Enfant, vers 1500-1510. Terre cuite, H. 1,02 - l. 0,40 m. Paris, collection particulière.
©Auction Art Remy Le Fur / Drouot Paris
Attribué à Michel Colombe (vers 1430-1512), Vierge à l'Enfant (détail.), vers 1500-1510. Terre cuite, H. 1,02 - l. 0,40 m. Paris, collection particulière. ©Auction Art Remy Le Fur / Drouot Paris
Michel Colombe et son atelier, Tombeau de François II de Bretagne et Marguerite de Foix, détail : La Prudence. 1502-1507. Nantes, cathédrale Saint-Pierre-et-saint-Paul
Cette image saisissante de simplicité offerte par le sculpteur ne doit pas tromper sur la complexité du travail de création mené ici. Cette réalisation rare et importante pour l'étude du tournant 1500 en France sera proposée le 29 novembre à Drouot par la maison Auction Art - Rémy Le Fur. Ne manquez pas l’occasion de l’observer en salle 9 de l’hôtel des ventes dès le samedi 5 novembre avant, nous l’espérons, de pouvoir l’admirer de manière pérenne dans les salles d’une institution nationale.
Bibliographie :
- Guillouët J-M. Michel Colombe, dans Tours 1500. Capitale des arts, sous la direction de De Chancel-Bardelot B., Charron P., Girault P-G, Guillouët J-M. Tours, 2012. p. 191.
- Pradel P. Michel Colombe, le dernier imagier gothique. Plon, 1953. p. 92-93
- Bresc-Bautier G. (dir.), France 1500 - Entre Moyen Age et Renaissance. Notice dans le catalogue de l’exposition du Grand-Palais à Paris, 6 octobre 2010-10 janvier 2011, Réunion des Musées nationaux, 2010. p. 152-154
- Vitry P. Michel Colombe et la sculpture française de son temps. Paris, Librairie centrale des beaux-arts, 1901. p. 422-426.
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