Connaissez-vous vraiment Diego Velasquez ? Lorsque l’on évoque cet illustre nom de la peinture espagnole du XVIIe siècle, on pense bien entendu aux célèbres Ménines et plus généralement à l’artiste au service du roi Philippe IV. Mais au musée des Beaux-Arts d’Orléans se trouve un autre chef-d’œuvre du maître, exécuté dans ses années sévillanes, bien moins documentées. Dans le cadre d’un programme de restauration mené par l’institution orléanaise ayant déjà permis une récente étude sur le David tenant la tête de Goliath de Guido Reni, c’est au tour du Saint Thomas peint par le maître espagnol d’être mis à l’honneur dans une exposition proposée par le dynamique conservateur chargé des collections anciennes Corentin Dury. Celle-ci nous emmène le temps d’une passionnante enquête dans la poussière de Séville, au début du XVIIe siècle.
Plus qu’une simple exposition temporaire nous pouvons dire que c’est un minutieux compte rendu de recherche qui est proposé au public. Même si le parcours de visite est assez court, chaque œuvre présentée y trouve sa place avec justesse. Dans un premier temps, pour introduire le sujet, le propos s’intéresse à l’histoire même du tableau et son analyse sur le plan strictement scientifique. L’exposition s’attarde ainsi tout d’abord sur les raisons qui expliquent la notoriété du tableau, à commencer par l’engouement dès le XIXe siècle pour les peintres espagnols. De tableau attribué à une main inconnue, il devient chef-d’œuvre par l’expertise qu’en donne Roberto Longhi lorsqu’il le voit en 1927.
La découverte est telle que le musée du Louvre tente de le faire entrer dans ses collections avec l’aide du président du conseil constitutionnel. Les habitants ainsi que le maire de la ville finissent toutefois par refuser l’idée d’un échange avec une autre œuvre du Louvre, considérant qu’il s’agit d’une pièce du patrimoine municipal beaucoup trop emblématique.
L’autre angle abordé dans la première partie de l’exposition est donc l’analyse scientifique réalisée sur le Saint Thomas notamment grâce à la radiographie. Celle-ci a permis, par comparaison avec d’autres œuvres de Velasquez, de conforter son attribution et surtout d’étudier plus en profondeur les méthodes de travail du peintre. La radiographie a notamment permis de savoir qu’il a réalisé son tableau en une seule fois, sans même avoir recours à un quelconque repentir.
L’un des points les plus surprenants de cette exposition est le choix de ne pas exposer le tableau dès le début. Un choix certes un peu déroutant quand on entre dans la première salle mais qui se justifie pleinement lorsque l’on découvre la salle principale de l’exposition. Après un premier temps consacré à l’histoire du tableau et à son exécution, nous voilà maintenant plongé dans l’analyse purement stylistique de l’œuvre. Le Saint Thomas est mis en relation directe avec nombre de peintures pouvant évoquer une parenté artistique. Sont ainsi évoqués des liens avec l’art du Greco, de Ribera ou bien encore avec le maître de l’artiste, Francisco Pacheco.
Un lien tout à fait remarquable est également établi concernant l’inspiration qu’aurait pu avoir Velasquez en fréquentant l’atelier de son maître où celui-ci peignait des sculptures en bois, notamment un célèbre Christ réalisé par Juan Martinez Montanes. Cette partie de l’exposition est aussi l’occasion d’évoquer de nouvelles hypothèses autour de tableaux peu documentés voire inédits dans une exposition mais cependant intéressants au regard de leur facture. C’est le cas d’un Saint Philippe, sans doute aussi de Velasquez et peut-être réalisé en partie par son atelier ou bien d’un hypothétique Saint Matthias conservé à Marseille, non attribué pour le moment et remarqué par Guillaume Kientz, directeur de l'Hispanic Society Museum à New York et co-auteur avec Corentin Dury de la publication autour de l’exposition.
Il nous faut enfin signaler la grande qualité des prêts obtenus. Le musée des Beaux-Arts peut ainsi présenter au public des œuvres non seulement pertinentes pour illustrer les recherches menées sur le Saint Thomas mais aussi en provenance de collections publiques ou privées de renom. Nous pouvons notamment citer parmi les prêteurs le musée des Offices de Florence, le musée du Prado à Madrid ainsi que la collection personnelle du roi Philippe VI d’Espagne.
En définitive, l’exposition du musée des Beaux-Arts d’Orléans propose un contenu de grande qualité scientifique. Certes, certains objecteront sans doute que le programme présenté est très pointu et ne s’adresse pas forcément au grand public. C’est pourtant un excellent compte rendu des recherches sur ce tableau et nous ne saurions reprocher l’existence d’un tel travail. L’histoire de l’art, comme toute science, comporte son lot d’avancées dans ses connaissances et c’est à ce titre que ce type d’expositions se justifie. Les musées des Beaux-Arts en France, de par leur statut au sein des institutions muséales et la qualité des œuvres qu’ils conservent, prennent naturellement leur part à ces études scientifiques tout en se devant d’en présenter les résultats. Cette exposition en est sans aucun doute une excellente illustration. Nous ne pouvons ainsi que vous conseiller, chers lecteurs, de faire le déplacement à Orléans pour découvrir en détail la part plus méconnue de la première période artistique de Diego Velasquez, vue par le prisme de cette remarquable peinture.
Exposition Sur les traces du Saint Thomas de Velasquez, au musée de Beaux-Arts d'Orléans, jusqu'au 14/11/2021, plus d'informations sur le site internet en cliquant ici
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