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Sur la route des chefferies du Cameroun, du visible à l’invisible

Jusqu’au 17 juillet 2022, le musée du quai Branly - Jacques Chirac présente une exposition consacrée aux tribus de l’ouest et du nord du Cameroun, installées dans la région dite des Grassfields. Ainsi, ce sont vingt-cinq communautés qui sont représentées au travers de cet événement à l'initiative de l’association La Route des Chefferies, un programme de développement culturel et touristique d’Afrique subsaharienne.


L'entrée de l'exposition est marquée par une porte réalisée par l'artiste Banana Fashion. Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ©Léo Delafontaine

270 objets, dont 230 proviennent du Cameroun, sont donc proposés au public au sein d’un parcours en trois temps qui amène le visiteur à découvrir les Grassfields, ce territoire de l’ouest et du nord du pays. En premier lieu, le musée du quai Branly présente la cosmogonie, comprenez la mythologie expliquant l’origine du monde et les relations entre l’homme et la nature, selon les croyances des tribus. S’ensuit alors un voyage au cœur du fonctionnement de la royauté et de la manifestation artistique de son pouvoir dans la société Bamiléké. Enfin, la dernière partie de la visite s’attelle à percer les mystères des sociétés secrètes. Véritables contre-pouvoirs, ces organisations sont essentielles à la vie de la tribu et demeurent secrètes pour les membres non-initiés de la tribu. Celle du kun’gang est particulièrement redoutée et occupe un rôle de messager entre le monde des ancêtres et celui des vivants. Leurs rites s’effectuent principalement lors de danses publiques, dont des extraits filmés sont projetés aux côtés des masques et tenues utilisés lors des cérémonies.


Masque Tukah "père" de la chefferie Bamendou, Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ©Léo Delafontaine

Un patrimoine vivant


La force de l’exposition réside dans son souci de rendre compte du caractère vivant du patrimoine des tribus Bamilékés, et ce dès la phase de sélection des œuvres. Commissaire associée, l’historienne de l’art Cindy Olohou révèle en effet que l’équipe du musée Branly s’est rendue sur place au Cameroun afin de rencontrer les chefs des différentes tribus et de discuter avec eux des modalités d’accrochage. Première surprise : certaines pièces souhaitées n’étaient finalement pas disponibles … car utilisées pour des rituels. Il faut garder à l’esprit que les masques, trônes, calebasses, et autres tenues visibles au cours de l’exposition font partie intégrante de la vie des tribus au quotidien. Les commissaires ont parfois dû revoir leur copie, et abandonner sur place certaines pièces.


La salle où sont exposés les trônes de plusieurs tribus. Quatre rotations sont prévues au cours de l'exposition. Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ©Léo Delafontaine

Des conditions d’exposition particulières


Quant aux œuvres qui ont pu effectuer la traversée de la Méditerranée, certaines ont fait l’objet d’une surveillance toute particulière. Des fo, les chefs de tribus, ont ainsi accompagné l’équipe du musée jusqu’à Paris afin de charger d’énergie certaines œuvres, principalement des masques, et de les installer eux-même dans l’exposition. Cindy Olohou abonde : “Dans le cas du totem éléphant par exemple, il nous était impossible de le toucher et même de le voir jusqu’au jour du vernissage. Seul le fo était habilité à le manipuler, on ne connaissait même pas les dimensions de l'œuvre !”. Des précautions qui s’appliquent également aux tenues de certaines sociétés secrètes. Ainsi, un masque abîmé n’a pas pu être réparé par les équipes du musée parisien, et a donc été présenté en l’état au public.

Du point de vue de la scénographie, la volonté de brouiller les frontières entre les différentes époques de création des pièces exposées se traduit par l’absence de date dans les cartels de plusieurs œuvres. Plusieurs calebasses et ndops, le tissu traditionnel en bande de coton des Grassfields, sont ainsi concernés. D’autre part, de nombreux artéfacts sont installés sans vitrine pour les protéger, notamment les trônes des chefs de tribu. Là aussi, il s’agit pour le musée du quai Branly de faire réaliser au visiteur la nature des œuvres exposées, davantage utilisées comme des objets fonctionnels au Cameroun.


Tenue de la société kun'gang, Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ©Léo Delafontaine

Une mixité entre art traditionnel et contemporain


La société Bamiléké n’entretient pas le même rapport au patrimoine qu’ici en Occident. A l’instar des temples japonais, les principaux monuments sont régulièrement démolis afin d’être entièrement reconstruits. C’est ainsi que les portiques d’entrée qui délimitent l’accès à l’espace de la chefferie ont évolué au cours du temps. Historiquement constitués de deux cases reliées entre elles par un fronton servant de grenier pour les récoltes, leur rôle est désormais davantage symbolique. Chaque tribu possède une porte qui lui est propre, mais toutes disposent de sept ou neuf toitures pyramidales rappelant des silos et qui indiquent le nombre de notables membres du Conseil. “Les Conseils sont toujours composés d’une assemblée impaire, afin qu’il n’y ait pas d’égalité à l’issue des votes”, détaille Cindy Olohou. Pour le visiteur, la découverte de l’exposition débute ainsi par le franchissement d’une porte réalisée par l’artiste contemporain Calixte Kuissieu dit Banana Fashion. Plus loin, des fresques ont été peintes par une autre artiste camerounaise. Enfin, certaines tenues traditionnelles brodées et ornées de cauris, des coquillages typiques de l’art bamiléké, ont été réinterprétées par de jeunes artistes.


Si vous êtes étranger à l’art de ces tribus camerounaises, Coupe File vous conseille donc d’emprunter la route des chefferies du musée du quai Branly. Le parcours muséographique fait preuve d’une grande pédagogie et permet d’appréhender l’essence de cette culture plus que jamais vivante.


Antoine Bouchet

 

Informations pratiques :

Musée du quai Branly - Jacques Chirac, 37 Quai Branly, 75007 Paris

Ouvert de 10h30 à 19h excepté le lundi

Prix d'entrée : 12€ (9€ en tarif réduit)


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