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La Promenade au bord de la mer de Joaquín Sorolla


Joaquín Sorolla, Promenade au bord de la mer, Valence, 1909, huile sur toile, Madrid, Museo Sorolla

À la veille de l’automne, les paysages iodés de Joaquín Sorolla réveillent la nostalgie des saveurs estivales. D’un fond de mer aux nuances infinies se détachent deux sveltes silhouettes. Bercées par le souffle marin, elles avancent élégamment sur une bande de sable doré. Elles sont le parangon de l’œuvre de l’Espagnol Joaquín Sorolla : éclatantes de blancheur, un voile léger renflé par la brise, le peintre les capture comme un bonheur passager, dans une luminosité méditerranéenne qui lui est chère.

Joaquín Sorolla, Autoportrait, 1904, huile sur toile, Madrid, Museo Sorolla

Joaquín Sorolla naît à Valence en 1863 dans une famille modeste. Très tôt versé dans la pratique artistique et âgé de onze ans seulement, le jeune garçon fréquente les cours du soir du sculpteur Cayetano Capuz avant d’être admis à l’Ecole des beaux-arts de Valence. Cette première formation en Espagne lui permet d’obtenir une bourse afin d’étudier la peinture à Rome. Dans la ville aux sept collines, Sorolla fréquente des cercles d’artistes internationaux et s’aperçoit de la richesse esthétique dont il peut s’enivrer au gré de ses rencontres. Cet intérêt précoce pour le voyage le conduit à réaliser une sorte de Grand Tour dans de nombreuses villes européennes telles que Madrid, Paris, Florence, Pise, Venise et Naples. Fort de ces échanges, les yeux emplis de références variées, Sorolla s’ouvre à divers événements étrangers et expose ainsi au Salon de Paris, à Madrid en 1892, à Munich, Berlin, Vienne, à la Biennale de Venise, à New-York en 1909 et à Chicago en 1911. Sa peinture est couronnée de succès et promise à un retentissement international, comme en 1896, lorsque le diplomate chilien Rafael Errázuriz Urmeneta lui commande le décor de son manoir à Valparaiso.

James Abbott McNeill Whistler, Southend Pier, 1882-1884, aquarelle, 17.9 × 25.4 cm, Washington, Freer Gallery of Art

Les longues heures passées au musée du Prado témoignent de l’admiration de Sorolla pour les maîtres espagnols : Goya et Velázquez, qu’il considère comme « le meilleur au monde ». De ses précepteurs, Sorolla tire une leçon certaine de rigueur dans les compositions et emprunte au traditionnel art du portrait, souvent familial. À la sobriété consacrée de la palette espagnole (blanc, noir, ocre), Joaquín Sorolla mélange la leçon moderne de Manet ou de Degas. Ses amitiés avec John Singer Sargent, Giovanni Boldini ou encore avec le Suédois Anders Zorn et son ravissement pour les harmonies de couleurs de Whistler, le poussent à introduire des nuances chromatiques très subtiles.

Anders Zorn, Sommarnöje, 1886, aquarelle, Dalarö (Suède), collection privée

En 1879, Joaquín Sorolla installe son premier atelier au dernier étage de la maison du photographe Antonio Garcia Peris, dont il épousera la fille. Dans le cadrage quasi photographique de Promenade au bord de la mer, on reconnait l’œil d’un artiste exercé à se placer derrière l’objectif. Obstiné par la recherche de spontanéité, le pinceau de Sorolla parcourt la toile de sa touche vibrante, d’une rapidité impressionniste. La profondeur est quant à elle rendue par une diagonale franche, creusant l’espace, procédé récurrent dans l’œuvre du peintre espagnol.


Joaquín Sorolla, María sur la plage de Biarritz ou Contre-jour, Biarritz (détail), 1906, huile sur toile, Madrid, Museo Sorolla ©Margaux Granier

Derrière son « chevalet-objectif », Joaquín Sorolla immortalise l’allure de ces deux élégantes, la coquetterie de leur toilette ; fige le charme de la Belle-Epoque. Avec la vogue des bains de mer, les stations balnéaires deviennent les lieux privilégiés de la bourgeoisie en villégiature. Sorolla et sa famille passent leurs étés à Biarritz ou à son équivalent espagnol, Zarautz, près de San Sebastián. Le bord de mer devient alors le théâtre idéal du peintre pour figurer les activités des pêcheurs et des plaisanciers s’adonnant à la lecture, à la couture, à la baignade et au jeu. Le thème de l’enfance offre au peintre des secondes de fraîcheur et de gaieté qu’il capture sur le vif, comme des instantanés. Tous ces motifs lui permettent d’explorer différentes textures : la brillance de la peau mouillée, la transparence de l’eau et l’agitation mousseuse de l’écume.



Joaquín Sorolla, Pêcheuse valencienne (détail), 1916, huile sur toile, collection particulière ©Margaux Granier

Mais la virtuosité technique du peintre réside dans le luminisme de son œuvre. Le traitement de l’ombre et de la lumière témoigne d’une maîtrise parfaite de la « loi du contraste simultané des couleurs » théorisée par Chevreul en 1839 : Sorolla fait valoir ses ombres en juxtaposant des couleurs complémentaires (jaune et violet, bleu et orange) et obtient ainsi un contraste saisissant avec ses points lumineux. Le blanc est certainement la valeur la plus frappante de la palette du peintre qu’il parvient à décliner avec maestria dans une infinité de nuances monochromes.




Joaquín Sorolla, María Clotilde (détail), 1900, huile sur toile, collection particulière ©Margaux Granier

À sa mort en 1923, Joaquín Sorolla laisse à la postérité une œuvre immense, rassemblée selon ses dernières volontés dans un musée qui porte son nom, installé dans sa maison madrilène au Paseo del Obelisco.

Jusqu’au 1er novembre 2020, l’Hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence met à l’honneur le peintre dans une exposition intitulée « Joaquín Sorolla, lumières espagnoles ». Au sein de ce bijou architectural XVIIIe, emblématique du modèle parisien de l’hôtel « entre cour et jardin », la commune provençale accueille sur ses cimaises un florilège remarquable de toiles, des plus ambitieuses aux formats plus confidentiels, dessins, esquisses et photographies, et rend un bel hommage à cet artiste fameux, aujourd’hui indûment méconnu en France.


Margaux Granier-Weber

 

EXPOSITION

"Joaquín Sorolla, lumières espagnoles"

Du 10 juillet au 1er novembre 2020

Hôtel de Caumont - Aix-en-Provence

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