Les portraits de Paul Valéry, peints, sculptés ou photographiés, fixent l’image de l’intellectuel plongé dans une profonde méditation. La pose du penseur apparaît de manière symptomatique dans l’iconographie du poète : le regard vers l’horizon et la main portée au menton accompagnant la réflexion. Le costume sombre qui l’habille tranche avec la clarté de sa peau, mettant ainsi en valeur la tête, siège de l’intellect, et la main, outil de l’écrivain.
Dans un cadrage serré, au plus près de la pensée, la duchesse de La Rochefoucauld livre un portrait intime, empreint de toute l’admiration vouée à cet « être prodigieux et charmant ». Entourée des plus grandes personnalités de l’entre-deux-guerres et du Tout-Paris des lettres, à l’instar de Paul Morand, d’Anna de Noailles ou de la princesse de Polignac, Edmée de la Rochefoucauld tient salon dans son hôtel particulier parisien. C’est là que la duchesse et Valéry se portraiturent mutuellement, chacun cherchant à percer le mystère de l’autre.
Le poète et l’art
Paul Valéry naît dans la Grand rue de Cette (Sète) le 30 octobre 1871. D’abord passionné par la marine puis destiné à des études de droit à Montpellier, le jeune Valéry s’adonne surtout à la lecture et à la poésie. L’écriture et la pratique du dessin et de la peinture investissent très tôt son quotidien.
À vingt ans seulement, la publication de ses Gloses sur quelques peintures – Musée de Montpellier sur deux œuvres majeures du musée Fabre (Tête d’un page de Cristofano Allori et Sainte Alexandrine de Zurbarán) démontre son intérêt précoce pour l’art. Bien qu’ayant toujours refusé d’adopter le rôle de critique, le poète méditerranéen ne cessa de consigner ses réflexions dans ses fameux cahiers.
« On doit toujours s’excuser de parler peinture » [cependant] « il y a de grandes raisons de ne pas s’en taire. »
Les réflexions de Paul Valéry se portent particulièrement sur la technique, le processus et le geste créateur comme en témoignent l’Introduction à la méthode de Léonard de Vinci en 1895 et la publication de Degas, Danse, Dessin chez Ambroise Vollard en 1936.
« Être peintre, c’est chercher indéfiniment ce qu’est la peinture. »
En 1894, Valéry s’installe définitivement à Paris suite à son mariage avec Jeannie Gobillard, nièce de Berthe Morisot. Les liens tissés avec la peinture se densifient au contact des peintres et des écrivains qui fréquentent la maison familiale du 40, rue de Villejust : Renoir, Degas, Monet, Redon, Mallarmé… L’art se déploie sur les murs et au fil des discussions.
Le musée Paul Valéry fête ses 50 ans
Le 26 novembre 1970, les collections du Musée municipal de Sète, créé en 1891 dans le pavillon central du collège Victor Hugo, ont investi le nouveau bâtiment de l’architecte Guy Guillaume. Installé sur le flanc du Mont Saint-Clair, le Musée Paul Valéry prend la forme d’un vaisseau à l’architecture moderniste, surplombant le cimetière marin (où Valéry repose) et la Méditerranée. Pour célébrer son 50ème anniversaire, le musée sétois organise une exposition consacrée à l’enfant du pays : un florilège de près de quatre-vingts œuvres choisies parmi les collections du musée Fabre de Montpellier, du musée d’Orsay, du musée national d’Art moderne, des musées des Beaux-arts de Grenoble, Reims, Rouen, Pont-Aven et de collections privées. Organisé en cinq sections, le parcours revient sur les différentes attaches de Valéry à la peinture : le cercle familial, le cercle amical, les peintres fréquentés, les peintres admirés depuis sa jeunesse (Zurbarán, Allori, Ter Borch, Delacroix, Courbet…) et enfin les productions de Valéry lui-même, discrètes et qu’il considérait avec une grande modestie.
La leçon de Paul Valéry
En cette période d’incertitude, où la culture est menacée et les institutions muséales désertées, la lecture et la curiosité forment des échappatoires à l’inquiétude ambiante. La connaissance doit être perçue comme un plaisir. Valéry établit une différence fondamentale entre le savoir imposé et celui que l’esprit curieux se forge par lui-même. Il considère l’art comme une expérience personnelle fondée sur le seul exercice de la sensibilité. Paul Léautaud résume cette pensée : « Les professeurs sont faits pour les gens qui n’apprendraient rien tout seuls. Le savoir qui compte est celui qu’on se donne soi-même, par curiosité naturelle, passion de savoir. » Laisser l’œil se promener et reconnaître les siens. Découvrir son propre goût et le cultiver soi-même.
« Une œuvre d’art devrait toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons. »
Margaux Granier-Weber
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