Nos lecteurs les plus fidèles le savent, nous portons un intérêt conséquent aux artistes lyonnais du XIXe siècle, actifs dans l'ancienne Lugdunum ou même au-delà des frontières départementales, dans le secteur de Bourg-en-Bresse, Morestel ou encore Mâcon. Deux de nos récents articles se sont d'ailleurs intéressés à la fraîchement ouverte Tomaselli Collection dans le quartier de Vaise et à la mise en valeur de ces maîtres locaux au musée des Ursulines de Mâcon. Dans le même temps, nous préparons un essai consacré au peintre lui aussi lyonnais Joseph Trévoux, ami d'Auguste Ravier et de... Louis Janmot, justement mis à l'honneur au musée d'Orsay depuis le 12 septembre.
Louis Janmot, les Lyonnais le connaissent encore assez bien. Et pour cause, l'œuvre de sa vie, son Poème de l'âme, est exposée - du moins une partie - en permanence et dans une salle dédiée au musée des Beaux-Arts de Lyon. Dix-huit tableaux achevés au début des années 1850 trônent en majesté dans le musée et suscitent toujours l'admiration, bien plus qu'à l'époque de leur conception. Entre 1835 et 1881, celui qui fut élève de Bonnefond à Lyon et d'Ingres à Paris forge cette création hors normes, qui se veut à la fois picturale et littéraire. Il rédige 2800 vers devant accompagner ce vaste cycle contant le cheminement de deux âmes à travers les âpres épreuves de la vie. Artiste très pieux, il fait de cet ensemble un témoin de sa foi. Cependant, il n'eut pas le succès espéré en le présentant à l'Exposition Universelle de 1855, pourtant grâce au soutien de Delacroix. Du peintre de La Mort de Sardanapale justement, Janmot tirera la couleur, tandis que sa pratique scrupuleuse du dessin héritée d'Ingres l'accompagnera tout au long de sa carrière. Nulle querelle de la ligne ou du coloris, les deux cohabitent et forment au final un curieux ensemble. Le dessin est ainsi par exemple très prégnant et visible dans Le Mauvais Sentier, l'un des tableaux les plus célèbres du Poème de l'âme, contrastant de manière très marquée avec la touche et les couleurs du précoce Christ au Jardin des Oliviers réalisé en 1840 (Musée des Beaux-Arts de Lyon, non présenté dans l'exposition) ou encore du Supplice de Mézence exposé au Salon de 1865, seul tableau du peintre conservé dans les collections du musée d'Orsay, acquis en 2014 auprès de la Galerie Michel Descours.
Louis Janmot, Le Mauvais Sentier, 1850. Huile et tracé au crayon graphite sur toile, 112,6 x 143,4 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts.
Louis Janmot, Le Supplice de Mézence, 1865. Huile sur toile, 113,5 x 143,3 cm. Paris, musée d'Orsay.
Le dessin, justement, est au centre du deuxième cycle du Poème de l'âme imaginé par le peintre, venant compléter le premier - il avait prévu d'en réaliser d'autres. Seize dessins au fusain, bornés aux mêmes dimensions que les tableaux, viennent s'ajouter entre 1860 et 1870. Très rarement exposés, ils confèrent à l'exposition du musée d'Orsay son caractère exceptionnel. Du fait de leur fragilité, ces dessins ne peuvent qu'à de très rares occasions être observés. En réunissant les deux cycles, qui plus est à Paris, tout en adjoignant cinq salles thématiques donnant à voir des œuvres majeures - à l'image de la Sainte Famille disparue depuis 1868 et identifiée en 2021 dans une vente Artcurial ou encore le Portrait du Père Henri Lacordaire (1846), dont une autre version fut commandée par Henri Beaune en 1883 et longtemps conservée au château de Bligny-lès-Beaune - et d'artistes plus confidentiels du cercle de Janmot comme Florentin Servan (1811-1879), les commissaires Servane Dargnies-de Vitry et Stéphane Paccoud réussissent leur coup. Le musée des Beaux-Art de Lyon a été très généreux, tout comme d'ailleurs les collectionneurs privés. Les nombreuses études préparatoires réunies sur les cimaises aux tons pastel permettent d'observer de près le processus créatif de l'artiste. Pour ne citer que deux de ces beaux prêts, relevons La Ronde, première version pour Rayons de soleil (1884) de la Tomaselli Collection - aperçue dans les allées de « Fine Arts Paris & La Biennale » - et un autoportrait de jeunesse tout en légèreté (vers 1833-1835) de la Collection Roberta J. M. Olson et Alexander B. V. Johnson, que les habitués de la rue Chaptal se souviendront avoir vu sur les cimaises de la galerie La Nouvelle Athènes.
Louis Janmot, Autoportrait, vers 1833-1835. Crayon graphite sur papier, 17,3 x 14,5 cm. Collection Roberta J. M. Olson et Alexander B. V. Johnson
Louis Janmot, La Ronde, vers 1844. Huile sur toile, 104,5 x 130 cm. Tomaselli Collection
La présence au moment où nous écrivons ces lignes d'une belle esquisse de Louis Janmot préparatoire à la Cène disparue de l'église Saint-Polycarpe de Lyon sur le stand de la galerie Le Cloître de l'Art, au Salon International du livre rare et des arts graphiques qui vient d'ouvrir ses portes au Grand Palais Éphémère, montre bien l'intérêt renouvelé pour cet artiste original qui, comme on a pu le dire pour Savinien Petit (1815-1878), laissa sa foi guider son pinceau. Nous ne pouvons que vous conseiller de vous rendre au musée d'Orsay pour admirer son Poème de l'âme, jusqu'au 7 janvier 2024.
Visite de l'exposition avec les commissaires
Associés une nouvelle fois au Scribe Accroupi, nous avons réalisé quelques jours avant son ouverture un reportage filmé au sein de l'exposition avec les commissaires, Servane Dargnies-de Vitry et Stéphane Paccoud, qui complètera en profondeur ce court papier.
Images : Scribe Accroupi et Coupe-File Art (Nicolas Bousser)
Musique : "Angélus" par Julien Bousser
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