Par Célia De Saint Riquier
Depuis le 27 octobre 2021, le musée Gustave Moreau présente enfin sa nouvelle exposition « Gustave Moreau. Les Fables de la Fontaine », dédiée à la réunion exceptionnelle d’une série de 35 aquarelles (dont 34 prêtées par une collection privée) peintes par l’artiste pour le commanditaire Antonin Roux, entre 1879 et 1884, à destination de l’édition d’un ouvrage qui ne sera finalement jamais réalisé. Nous étions revenus lors d’un précédent article sur la genèse mouvementée de cette exposition, chamboulée par la crise sanitaire. Il est donc très agréable de pouvoir enfin en voir son résultat final, avec des œuvres d’un onirisme et d’une préciosité à la hauteur de nos attentes.
Rappelez-vous. C’était en mai dernier. Coupe-File Art vous avait présenté cette sorte « d’exposition de sauvetage » mise en place par le musée Gustave Moreau, qui s’était retrouvé, à cause de la crise sanitaire, à devoir trouver une solution face à la scénographie des Fables déjà montée, mais pour des œuvres qui n’arriveraient que six mois plus tard. Il est déjà regrettable que le musée ne dispose pas d'assez d’espace pour organiser les expositions temporaires dans des salles annexes de celles du musée, ce qui contraint souvent à cacher une partie du parcours permanent, dont l’incroyable atelier d’artiste sur ses deux étages. Mais il était absolument inconcevable de laisser, en l’état, ces cimaises attendant leurs fables inutilisées pendant six mois. Le musée avait alors eu l’idée d’utiliser des œuvres qui n’avaient eu, dans l’élaboration de l’exposition, qu’une visée d’abord scientifique, à savoir de nombreux dessins préparatoires que l’institution possède. Une sorte de « préexposition » finalement très pertinente avait ainsi vue le jour, présentant les études précédant les véritables aquarelles réalisées pour le commanditaire Antonin Roux conservées en collection privée.
Les visiteurs de cette « première partie » de l’exposition ne pouvaient qu’avoir hâte de l’arrivée des aquarelles finales. Et l’attente, bien que longue, en valait la peine. Tout amateur ou néophyte de Moreau ne peut qu’être conquis par ces différentes illustrations de fables plus ou moins connues de l’auteur du Grand siècle. La richesse des couleurs, déjà très présente dans sa peinture, s’en trouve comme développée dans ses aquarelles par de nombreux fondus, allant de l’azur au vermillon, du parme au bleu de Prusse. Certaines illustrations, travaillées en larges taches colorées sans rehaussements à la gouache ou à l’encre comme c’est le cas sur d’autres, rappellent les liens qui unissent Moreau aux portes de l’abstraction. Au contraire, certaines fables se parent de la plus grande préciosité des détails qui augmente la richesse de ces œuvres qu’il plait de regarder de fond en comble. Si Moreau reste fidèle au texte de La Fontaine, sa touche est évidente, aussi bien dans les sources d’inspirations orientales, que dans le souci du naturalisme animalier qu’il travailla sur modèle à la ménagerie du Jardin des Plantes. L’artiste fait preuve d’une grande ingéniosité pour chaque fable tout en proposant un tout cohérent et unifié, que cela soit au sein de cet ensemble, qu’au sein de son Œuvre en général. Il est d’ailleurs très pertinent de voir ces œuvres présentées dans les salles même qui les ont vues naitre, les autres tableaux de l’artiste, accrochés à touche-touche dans le parcours, donnant une sorte d’écho prégnant aux aquarelles présentées.
Nous ne pouvons donc qu’encourager les lecteurs à se rendre à cette exposition qui restera ouverte jusqu’au 28 février 2022, bel achèvement pour cet ensemble rarement réuni et visible du grand public.
Plus d’informations sur le contenu de l’exposition dans notre précédent article la concernant :
Ainsi que sur le site du musée Gustave Moreau :
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