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Les Amants, de Magritte


La série de peintures Les Amants, qui se compose de quatre peintures à l'huile homonymes numérotées de I à IV, est réalisée en 1928 par le peintre belge René Magritte à Paris. En effet, quittant en 1927 son pays natal pour s'installer à Perreux-sur-Marne, il n'y retourne qu'en 1930, lorsque la crise économique de 1929 tempère ses acheteurs. Entretemps, il rencontre de très nombreux surréalistes résidants en France : Salvador Dali, Max Ernst, Paul Eluard, ou encore André Breton. En 1928, seuls deux ans se sont écoulés après son exposition à la galerie Le Centaure où figurent certaines de ses premières œuvres surréalistes, notamment le Jockey perdu.

Les Amants I, René Magritte, 1928, Museum of Modern Art
Les Amants II, René Magritte, 1928, National Gallery of Australia (Canberra)

Le premier tableau de cette série présente un couple enlacé dont les visages sont recouverts d'un tissu blanc. Ils se trouvent dans un intérieur très épuré, qui met l'accent sur leur baiser. Le voile est bien entendu l'élément le plus riche du tableau en termes de sens, car il prive les amants de celui de la vue. Ce choix du peintre permet de très nombreuses interprétations, et ce goût du mystère se retrouve dans la plupart de ses œuvres. Exaltation de l'amour aveugle, ode aux amours discrets, ou évocation d'un désir inconscient ? Malgré les immenses réticences de Magritte à l'égard de la psychanalyse, il est difficile de ne pas faire de parallèle avec le voile qui fut retrouvé sur le visage de sa mère, Régina Bertinchamps, après son suicide par noyade en 1912. On retrouve ce fameux tissu dans Les Amants II, qui montre un homme et une femme, très probablement les mêmes que sur le premier tableau, qui ont cette fois-ci la tête tournée vers le spectateur et se trouvent devant un paysage verdoyant dont la composition rappelle quelques peu les débuts impressionnistes de l'auteur. C'est le seul tableau où les personnages ne semblent pas prisonniers de leur espace.

Les Amants III, René Magritte, 1928, Collection privée

Les visages se dévoilent dans le troisième tableau, révélant une femme et un homme aux cheveux courts, dans une attitude relativement similaire à celle qu'ils adoptent dans Les Amants II. Ils sont à nouveau dans un intérieur comme le montrent le mur à gauche, le plafond et la corniche, mais la pièce s'ouvre sur un paysage de plaine monotone. L'homme se résume à une tête en lévitation, ou reposant sur un corps invisible, qui pose sa joue contre le visage de son amante, dont les yeux sont visibles pour la première et dernière fois. L'absence de corps de la part de l'amant pourrait évoquer les inconstances de Léopold Magritte, si le parallèle que le voile établit peut être avec la mère du peintre se poursuit.

Les Amants IV, René Magritte, 1928, Collection privée

Dans le dernier tableau de la série, Les Amants IV, René Magritte place pour la seconde fois ses sujets en extérieur. Le cadre montagnard enferme les personnages dans un environnement hostile et abrupt. Ils ne semblent néanmoins pas s'en soucier et échangent, comme dans Les Amants I, un baiser. Le vêtement de l'amante et sa coupe de cheveux changent. S'agit-il d'une évocation du temps qui passe ou une personne différente ? Impossible de trancher.


Les Amants de Magritte présentent une myriade de parallélismes et d'échos. Si Les Amants I est à lui seul un chef d’œuvre, le vertige de résonances que provoquent ces quatre tableaux ensemble est fascinant.


« La fameuse pipe, me l’a-t-on assez reprochée ! Et pourtant, pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau « Ceci est une pipe », j’aurais menti ! » - René Magritte

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