Au même titre que le sourire de La Joconde ou que le toucher entre Dieu et Adam de la Sixtine, ce Baiser a l’aura d’un geste identifiable parmi des milliers.
Francesco Hayez, né en 1791 à Venise et mort en 1882 à Milan, fut une des figures majeures du romantisme italien. Issu d’une modeste famille vénitienne, il va, porté par l’ambition, s’élever au sommet. Formé dans l’atelier de Francesco Maggioto, il entre en 1806 à l’Académie Nouvelle des Beaux-Arts de Venise. Trois années plus tard, Hayez obtient une bourse d’études pour poursuivre son apprentissage à l’Académie Saint Luc à Rome. Il restera quelques années dans la ville éternelle (il y suit alors les cours de Canova) avant de partir pour Naples pour honorer une commande (Ulysse à la cour d’Alcinoos, 1815). En 1823, Hayez s’installe à Milan, il y passera le restant de ses jours. Peintre de choix de l’aristocratie lombarde, il se taille rapidement une réputation exceptionnelle. Il deviendra ainsi professeur puis directeur de la fameuse Académie de Brera. Considéré par Stendhal comme le meilleur peintre de son temps, Hayez fut en tout cas celui de l’Italie réunie. Il participa même à l’ascension de la famille de Savoie, ascension qui permettra cette unification.
Le Baiser est une commande du comte Alfonso Maria Visconti di Saliceto. Hayez va saisir dans ce tableau la furtivité d’une étreinte qu’une ombre approchante semble menacer. Les tenues et l’architecture situent la scène dans un Moyen-Age idéalisé, celui de Roméo et Juliette et des troubadours. Véritable manifeste du romantisme italien, l’œuvre en porte toutes les caractéristiques (amour, retour à un idéal perdu, protagonistes issus du peuple…). Cependant derrière cette scène anodine se cache un sens politique. Les couleurs des habits des protagonistes renvoient en effet aux drapeaux français et italien symbolisant alors l’alliance entre les deux pays signée en 1859. A l’image de Tintin, Hayez a délibérément choisi de masquer le visage des deux protagonistes, permettant ainsi aux spectateurs de s’identifier à l’œuvre. A noter qu’il existe trois versions différentes de ce tableau. Aujourd’hui Le Baiser est considéré comme l’un des grands chefs d’œuvre de la peinture européenne.
Antoine Lavastre
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