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La place Nationale : joyau du patrimoine de Montauban


Au cœur de Montauban, une vaste place offre aux habitants de la ville et aux visiteurs de passage un espace pour se réunir, commercer et vagabonder depuis près de neuf siècles. La place Nationale, puisque tel est son nom actuel, accompagne la cité depuis sa fondation en 1144. En cela, elle fait donc partie des plus anciennes places de France dans le sens où elle fut pensée comme telle dans le projet urbanistique guidant la création de la bastide. En étudiant son histoire, c’est donc tout le récit montalbanais qui s’offre à l’amateur.


La création d’une place marchande


Montauban fut fondée au milieu du XIIe siècle par Alphonse Jourdain, comte de Toulouse, avec pour objectif , entre autres, de sécuriser la route entre sa capitale et Paris. Cette création ex-nihilo s’accompagne de toute une série de mesures ayant pour but de promouvoir la cité. Dans ce cadre, la charte de fondation offre à la ville de nombreux avantages fiscaux et juridiques qui attirent à Montauban (alors Monte albanus, soit le Mont Blanc) de nombreux artisans et marchands. De plus, un plan normé est ordonné afin de régir l’organisation urbaine. Les rues sont tracées de manière perpendiculaire et au centre, un espace est laissé vacant pour accueillir une place voulue comme le cœur de la cité. Dès l’origine, celle qui n’est pas encore « Nationale » s’organise selon un modèle trapézoïdal et est entourée de deux galeries courant sous les maisons à pans de bois bordant la place. L’architecture n’est cependant pas unifiée puisque chaque propriétaire est libre de créer sa maison sous la forme qu’il souhaite tant qu’elle n’empiète pas sur le terreplein central.

© Antoine Lavastre

Le site est alors le principal lieu du commerce à Montauban grâce à ses galeries couvertes permettant aux marchands d’exposer sans risque leur marchandise en offrant un abri de la pluie et du soleil. L’espace central, libre de construction, était lui régulièrement occupé par des marchés mais également de manière plus évènementielle par de vastes foires, véritables moteurs d’attractivité à l’échelle locale et régionale. La ville était alors, et particulièrement à partir du XIVe siècle, en plein âge d’or commercial grâce à sa position privilégiée sur la route de Toulouse et grâce à la présence d’un fleuve propice à la navigation, le Tarn. On vendait alors à Montauban des produits de grands prix tels du vin, des soieries d’Alep, des draperies des Flandres, des dattes d’Égypte, etc. La place, dont les maisons offraient à la fois un espace destiné à la vente et une habitation cossue, permettait donc aux riches marchands montalbanais de loger dans un espace conforme à leur ambition bourgeoise.


De manière concomitante, par son emplacement central et par sa praticité, la place était également le théâtre du pouvoir municipal puisqu’elle abritait la maison des consuls dans son angle nord-ouest, siège du pouvoir politique, ainsi que le pilori où étaient exécutées les peines infligées aux condamnés. À cela s’ajoute, dès 1574, la création, au niveau du couvert oriental, d’un espace destiné aux proclamations officielles.


Le temps du renouveau


Le XVIIe siècle, marqué par la Reconquête catholique de la région, est le temps d’un profond renouveau pour la place. Elle subit en effet deux incendies qui vont s’accompagner de vastes campagnes de reconstruction, qui donneront ainsi à la place son aspect actuel.


Le premier prend place en 1614 et voit la destruction d’une quarantaine d’habitations. Un chantier est alors mis en route pour rebâtir la place. Les consuls profitent de cette opportunité pour imposer à tous un modèle unique dans le but d'unifier l'espace d'un point de vue stylistique. Les maisons détruites sont ainsi rebâties à partir d’un programme architectural précis défini par Pierre Levesville, architecte orléanais. Ce dernier impose la construction entièrement en brique des structures porteuses en remplacement du bois (réduisant par ce fait le risque d’incendie) et le voûtement des galeries sur croisées d’ogives. De plus, il définit une typologie des façades et l’alignement de celles-ci.

© Wikimedia commons

En 1649, un nouvel incendie se déclare, détruisant vingt-deux bâtiments au niveau des couverts non encore rénovés. Une nouvelle campagne de reconstruction est donc enclenchée pour unifier définitivement la place d’un point de vue stylistique. Néanmoins, celle-ci est rapidement bloquée par le refus des propriétaires des maisons préservées du feu de se conformer aux directives. En 1656, un nouvel architecte est nommé, Bernard Campmartin, ingénieur du roi, et grâce à cela, mais surtout grâce à la menace de fortes amendes en cas d’opposition, le chantier est finalement lancé. Dans ce cadre, le programme originel est légèrement modifié par l’ajout d’un quatrième niveau de façade et par l’ouverture dans les édifices de plus vastes fenêtres. Au début du XVIIIe siècle, presque l’entièreté de la place est ainsi achevée à l’exception de quelques maisons. En 1703, une troisième et dernière campagne débute donc avec la destruction de l’ancienne maison des consuls, abandonnée depuis plusieurs siècles et faisant tâche dans la place moderne, et des dernières demeures encore médiévales. En 1704, l’Intendant Legendre, en charge des travaux, entame un projet visant à faire de cet espace une place royale pour inscrire Montauban dans l’air du temps. Une plaque est ainsi posée dans l’angle nord-ouest avec l’inscription « place royale » mais ceci n’est qu’apposition tant la place n’est, par son histoire, en rien une véritable « place royale ». En 1713, les travaux sont finalement achevés et l’entièreté de l’espace est unifié dans un même style fait de briques (bien que celles-ci étaient sans doute masquées originellement par des enduits colorés), de pilastres, et de chapiteaux massifs superposés.

© Antoine Lavastre

Les XIXe et XXe siècles


Durant la période révolutionnaire, la place poursuit son rôle de témoin de l’histoire montalbanaise puisqu’elle accueille en 1793 l’unique exécution par guillotine de l’histoire de la cité. C’est d’ailleurs cette même année que la place est baptisée place Nationale. Ce nom sera cependant de courte durée puisque dix ans plus tard, à l’avènement de l’Empire, la place devient « impériale » (nom qui, comme le régime qu’elle honore, ne durera qu’un temps).


Au XIXe siècle, la place subit ses dernières retouches avec le remplacement des anciennes fenêtres à meneaux par de vastes ouvertures et l’adjonction, pour certaines maisons, de frises décoratives en terre cuite et de garde-corps en fonte. Enfin, en 1902, une horloge-fontaine est édifiée au centre de la place, alors que depuis près d’un siècle, cet espace est de plus en plus déserté par les marchés.


La place Nationale au début du XXe siècle

Aujourd’hui, la place Nationale est avant tout un espace aéré empli de restaurants, cafés et de petites boutiques. Elle n’est plus comme au Moyen Âge le centre du commerce montalbanais, celui-ci ayant comme souvent largement quitté le centre-ville au profit des zones périphériques. Néanmoins, elle n’en demeure pas moins le véritable cœur de cité, là où les habitants se réunissent lors des nombreux évènements qui y sont organisés, là où l’on vient se rafraichir dans le miroir d’eau (qui a remplacé la fontaine) lors des fortes chaleurs, là où tout simplement l’histoire de Montauban continue de s’écrire au quotidien.

 

Bibliographie :


  • Focus : La place Nationale de Montauban, 2018, Montauban/Ville d'art et d'histoire.

  • Parcours : Montauban, promenade d'un lieu à l'autre, 2024, Montauban/Ville d'art et d'histoire.

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