L’art du dessin a toujours fasciné les collectionneurs. Art en mouvement par excellence, il est celui de la réflexion et de la création. Très souvent préparatoire à l’œuvre peinte ou sculptée, le dessin peut, parfois, faire office d’œuvre à part entière sans même que ce ne soit son intention. Ces dernières années, le médium connait un impressionnant regain d’intérêt de la part des chercheurs et, in extenso, du public. La forte fréquentation de l’exposition sur la collection de dessins du musée Pouchkine à la fondation Custodia en constitue sans doute le meilleur exemple. Le développement des expositions d’arts graphiques à travers les nouveaux espaces dédiés au sein du Louvre joue sans doute également un grand rôle dans ce renouveau. Depuis le 27 juin 2019, ces salles de l’aile Sully accueillent ainsi une exposition qui promet de faire date, « Dessins italiens de la collection Mariette », sous le commissariat de Pierre Rosenberg et Victor Hundsbuckler.
Pierre Jean Mariette (1694-1774) fait partie de ces collectionneurs dont la collection semble mettre en exergue la notion très subjective de goût. Il savait reconnaître la qualité d'un dessin, et ce même d'un maître mineur. Il ne faisait pas partie de la caste des collectionneurs de l’Ancien Régime pour qui la quantité primait sur la qualité, à l’image du banquier Jabach par exemple, qui n’avait sans doute jamais vu l’ensemble de sa propre collection. Pierre Rosenberg décrit celle de Mariette comme une véritable « école de l’œil ». En effet, issu d’une famille baignant dans l’art (il est le dernier représentant d’une illustre dynastie de marchands d’estampes), Mariette ne se contentait pas de collectionner : il étudiait véritablement ses possessions et les attribuait avec souvent une justesse jamais remise en cause.
Ainsi, la sélection de la collection des dessins italiens de Mariette qui se présente au Louvre jusqu’au 30 septembre frappe par sa richesse. Michel-Ange, Véronèse, le Cavalier d’Arpin, Annibal Carrache y exposent certains de leurs plus beaux dessins. L’exposition s’ouvre sur un célèbre satyre de profil, celui de Michel-Ange. Sur une sanguine d'élève représentant une tête de jeune femme, le maître a transformé la belle en un terrible faune enlaidi par une verrue sur le menton. Par un jeu de quadrillage qui crée l’ombre, le volume de la tête se détache. C’est un vrai chef d’œuvre qui ouvre l’exposition, mis en valeur par un cadre Renaissance, prêt de la fondation Custodia. Il faut en effet noter la véritable attention donnée par les commissaires à l’encadrement des œuvres, se plaçant comme les héritiers de Mariette lui-même, qui montrait ses dessins enserrés dans un ensemble bleu à liseré doré immédiatement reconnaissable.
Après une première salle vouée à l'explication de l’origine de l’exposition et à la présentation de quelques très belles pièces de la collection, le parcours se poursuit par une sélection géographique de dessins Mariette. Au gré d’un voyage effectué entre 1717 et 1719, soit entre sa vingt-troisième et vingt-cinquième années, le jeune marchand d’estampes forme son œil et son goût. Il se familiarise avec les grands maîtres italiens, porte une fascination démesurée pour l’art vénitien, rencontre les intellectuels. Des années après, ses souvenirs, consignés pour nous dans la correspondance avec son père et dans ses journaux, lui serviront pour effectuer ses achats. Ainsi, l’exposition nous emmène avec Mariette sur les routes italiennes, de Bologne à Milan, de Venise à Florence.
Enfin, l’exposition s’achève sur la dispersion de la collection Mariette lors de sa vente en 1775 à l’hôtel Drouot. La majeure partie des dessins seront achetés par le roi et les autres par des acheteurs étrangers et/ou privés. Aujourd’hui, les dessins Mariette ornent les plus belles collections du monde. Pierre Rosenberg et son équipe se sont ainsi, depuis les années 2000, lancés à la recherche de ces dessins afin de publier un catalogue raisonné de la collection en se basant sur le catalogue de vente établi par l’expert Pierre François Basan en 1775. Cela a donné naissance à la publication d’une partie de la collection, c’est-à-dire les dessins français et les dessins italiens. Cependant certains manquent encore à l’appel, les recherches se poursuivent donc.
Avec cette exposition, c’est une véritable ode au dessin italien qu’offre le Louvre, à travers l’œil d’un homme passionné. Avec « l’école de l’œil » de Mariette, tout spectateur ne peut que ressortir plus instruit des salles d’arts graphiques. Il faut mettre en avant l’éclairage et les cadres qui permettent une pleine immersion dans les dessins. Si la scénographie est assez peu présente, on peut dire qu’elle permet de se concentrer sur les œuvres et non sur le decorum. Cette exposition est donc un must-see pour tout amateur de dessin et d’art, surtout italien, en général.
Antoine Lavastre
Dessins italiens de la collection Mariette du 27 juin au 30 septembre 2019, aile Sully, Musée du Louvre.
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