La Dordogne est sans nul doute l’un des départements français les plus riches en patrimoine. Ceux qui y ont déjà été savent combien on trouve de châteaux, de magnifiques paysages sculptés dans la roche il y a des milliers d’années et de nombreuses grottes ornées de peintures, dessins et gravures exécutés par nos lointains ancêtres, les Hommes préhistoriques. Si l’occasion se présente à vous d’aller voir aux Eyzies, dans la région que l’on nomme aujourd’hui la « vallée de l’Homme », ces témoignages uniques encore conservés à la grotte de Font-de-Gaume ou à celle de Rouffignac par exemple, il ne faut pas non plus manquer de faire un détour par le musée national de préhistoire. Celui-ci retrace de manière précise et pédagogique l’évolution des premiers Hommes à l’aide de nombreux vestiges archéologiques et de reconstitutions d’animaux qui peuplaient alors la planète. Un parcours actuellement complété par l’ouverture d’une exposition temporaire intitulée Homo Faber jusqu’au 29 novembre prochain.
Après avoir franchi les guichets du musée et avoir pu admirer l’impressionnante reconstitution de Félix, un mammouth laineux, nous voilà plongés immédiatement aux origines de l’humanité. Les imposantes vitrines pleines d’ossements et de silex pourraient laisser le public assez perplexe tant l’interprétation de ces collections peut paraître hermétique à ceux qui sont novices en la matière. Heureusement les textes sont là, accompagnés à plusieurs moments par des supports multimédias, principalement des vidéos explicatives des techniques utilisées par les Hommes préhistoriques.
Si la scénographie et certains textes ont vieilli et qu’ils pourraient peut-être bénéficier d’une prochaine remise à jour, il n’en reste pas moins qu’ils sont efficaces comme nous l’avons dit, et qu’ils sont globalement accessibles à tous. Ce n’est, par exemple, pas forcément une évidence d’évoquer de façon simple certains procédés scientifiques utilisés en archéologie. C’est ce à quoi s’essaie cependant le musée de manière plutôt convaincante. Du reste, on peut noter la rigoureuse classification des vitrines pour différencier les vestiges des différentes époques et sur différents thèmes autour de la vie des premiers humains.
Le visiteur pourra également admirer dans le parcours proposé des ossements et parfois quelques reconstitutions des différents animaux qui existaient alors. Cela permet de nous donner une idée un peu plus précise encore de l’environnement dans lequel évoluait nos ancêtres à une période d’ère glaciaire. Certains animaux, parfois ancêtres d’espèces que nous connaissons aujourd’hui pouvaient ainsi mesurer des tailles gigantesques à l’image du mégacéros, un genre de super-cerf ou l'ours des cavernes, un prédateur redoutable. Ces restes de squelettes permettent aujourd’hui aux chercheurs d’étudier l’alimentation de nos ancêtres lorsqu’ils sont retrouvés dans des contextes liés à la chasse.
De gauche à droite :
Fig. 1 : Reconstitution d'un ours des cavernes, musée national de préhistoire, Les Eyzies de Tayac
Fig. 2 : Squelette de bison, musée national de préhistoire, Les Eyzies de Tayac
Fig. 3 : Reconstitution d'un mégacéros, musée national de préhistoire, Les Eyzies de Tayac
Le musée expose également d’autres pièces très intéressantes pour l’étude préhistorique comme les imposants restes d’une pirogue en bois découverte à Bercy datant du Néolithique, présentés grâce à un dépôt du musée Carnavalet.
Evoquer ces périodes anciennes, c’est aussi parler du début de l’histoire de l’art. Outre les représentations retrouvées dans les grottes dont nous avons déjà dit un mot en introduction, il existe également au musée quelques exemples d’objets sculptés très émouvants. Ceux-ci sont très finement travaillés et présentent de multiples détails. Lorsque nous voyons de tels objets, nous ne pouvons qu’imaginer le temps passé et la grande application de l’artiste dans l’exécution de telles œuvres.
En fin de parcours, le public pourra enfin découvrir l’exposition temporaire Homo Faber qui vient compléter les collections permanentes. Le programme proposé s’intéresse plus particulièrement aux fouilles archéologiques en Afrique et en Géorgie. L’idée qui a lancé le travail sur cette exposition est le constat que le parcours permanent s’attarde assez peu sur les premiers moments de l’Homme lors son apparition probable en Afrique. Les collections du musée concernent en effet principalement des objets provenant de sites français.
Le propos choisi est donc de montrer les premiers vestiges retrouvés en Afrique, particulièrement au Kenya, dont les musées ont prêtés généreusement plusieurs pièces, comme des tentatives de fabrication des premiers outils, dont les Hommes se sont servis pour survivre dans des territoires où la faune leur était particulièrement hostile. Ces pièces exposées sont aussi l’occasion de poser certaines interrogations. Quelle est par exemple l’espèce humaine qui a mis au point ces premiers outils ? Était-ce l’Australopithèque qui en était l’auteur ou une autre espèce ? Peut-il s’agir d’une « collaboration » entre plusieurs espèces dont l’Australopithèque et dont on sait qu’elles se sont rencontrées ?
La fin de ce petit parcours en annexe du reste de la visite est une évocation très intéressante de la première incursion humaine en Eurasie grâce au site de Dmanissi en Géorgie. C’est sur ce site préhistorique très riche que se trouvent nombre de vestiges divers témoignant d’une période charnière à partir de laquelle l’espèce humaine s’est répandue sur le reste du globe. Cette partie de l’exposition a pu être réalisée en partenariat avec le musée national de Tbilissi qui a accepté pour la première fois de prêter plusieurs témoignages importants de cette période préhistorique dont un crâne humain dit « d’Homo georgicus » daté d’il y a un million sept cent soixante-dix mille ans.
Un mot enfin est à dire sur la scénographie où le commissariat d’exposition a choisi et assumé de présenter les pièces archéologiques sur un fond de couleur bleue. Un choix qui pourrait surprendre mais qui a le mérite de l’originalité en s’éloignant des couleurs habituelles pour ce type d’exposition. Notons par ailleurs que l’emploi de cette couleur a ses avantages puisqu’il permet de mettre efficacement en valeur les différents objets et ossements souvent de couleur gris-brun dans un intéressant contraste.
De gauche à droite :
Fig. 1 : Fragment de maxillaire de félin à dents de sabre, Megantereon megantereon, vers 1,77 millions d'années, site Dmanissi, musée national de Géorgie, Tbilissi
Fig. 2 : Vitrine présentant plusieurs moulages ou originaux de faune en provenance des collections des muséums nationaux du Kenya, Nairobi
Fig. 3 : Vitrine présentant des exemplaires d'outils lithiques en provenance des collections des museums nationaux du Kenya, Nairobi
Le musée de la préhistoire des Eyzies est sans nul doute l’un des lieux incontournables de la Dordogne pour ceux qui s’intéressent à la période. Si l’on ne saurait omettre de visiter les fameuses grottes toujours visibles dans la région, ne pas aller voir le musée de préhistoire, qui complète les connaissances archéologiques que nous détenons, serait vraiment dommage. Au-delà même du sujet du musée c’est aussi le cadre dans lequel il s’inscrit qui vaut bien un détour. En fin de parcours, le visiteur pourra en plus profiter de la vue depuis la terrasse qui surplombe la petite ville et le cours de la Vézère qui s’écoule en contrebas.
Le musée national de préhistoire des Eyzies de Tayac est ouvert toute l'année au public. Pour plus d'information sur le musée et l'exposition temporaire Homo Faber, cliquez ici
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